Message from the King, la vengeance à bout de souffle

Pour son nouveau long-métrage en langue anglaise, Fabrice Du Welz (Calvaire, Vinyan) filme la vengeance mutine d’un Sud-africain sur les terres moites de Los Angeles. Si Message from the King déconcerte par sa simplicité et son classicisme, l’œuvre est sauvée par quelques fulgurances inattendues. En salles depuis le 10 mai.

En provenance de Cape Town, Jacob King (Chadwick Boseman) débarque à Los Angeles à la recherche de sa sœur disparue, Bianca (Sibongile Mlambo). Cette dernière lui a laissé un mystérieux message téléphonique dans lequel elle lui confiait être en grave danger. Simplement muni d’un billet retour pour l’Afrique du Sud et de 600 dollars, le héros n’a qu’une semaine pour la retrouver. Sur place, il écume l’ancien quartier de la jeune femme et interroge son voisinage. À son grand effarement, les premiers témoignages qu’il récolte décrivent une femme dont la vie était rythmée par les addictions et la prostitution. «  La dernière fois que je l’ai vue, elle ne ressemblait à rien », lâche son ancienne propriétaire.

Sans nouvelles de sa sœur Bianca, Jacob King (Chadwick Boseman) va employer des méthodes d'investigation brutales. © The Jokers / Les Bookmakers
Sans nouvelles de sa sœur Bianca, Jacob King (Chadwick Boseman) va employer des méthodes d’investigation brutales. © The Jokers / Les Bookmakers

Nul ne sait où se trouve Bianca. Sur l’avis d’une commerçante du coin, Jacob se rend à la morgue et finit par retrouver sa sœur, mutilée et défigurée. Épris d’une colère vengeresse, il se lance à la recherche des tortionnaires. Pour ce faire, il va employer des méthodes d’investigations brutales et extrêmes. Sa quête de justice va alors le plonger dans une spirale infernale, où la drogue se mêle à la pédophilie et aux magouilles politiques. Entre temps, il se liera d’amitié avec la douce Kelly (Teresa Palmer), jeune mère célibataire courageuse, contrainte de se prostituer pour subvenir aux besoins de sa fille. Ensemble, ils vont s’entraider et faire face aux pires cruautés.

À l’image de son affiche stylisée et de son synopsis simpliste, Message from the King n’a pas d’autre ambition que d’être un énième hommage aux films de vengeance des années 70. Plus particulièrement à la « blaxploitation », un sous-genre cinématographique plaçant des acteurs afro-américains dans des rôles principaux forts. Malheureusement, l’œuvre n’a ni la virtuosité sulfureuse d’un Hardcore de Paul Schrader, ni l’ampleur d’un Shaft de Gordon Parks. Scénario balisé, budget serré, économie de dialogues, psychologies évacuées…le long-métrage de Fabrice Du Welz compose avec des ficelles du genre éculées jusqu’à la moelle. Sa construction narrative en devient si simple qu’elle finit par déconcerter. Sans grande originalité, le cinéaste s’affaire à déployer la rage de son héros vengeur au détriment d’une histoire cousue de fil blanc.

Dans une ville corrompue jusqu'à la moelle, Wentworth (Luke Evans) est un dentiste corrompu, prêt à tout pour se débarrasser de l'encombrante présence de Jacob. © The Jokers / Les Bookmakers
Dans une ville corrompue jusqu’à la moelle, Wentworth (Luke Evans) est un dentiste corrompu, prêt à tout pour se débarrasser de l’encombrante présence de Jacob. © The Jokers / Les Bookmakers

Violent et sanglant, Message from the King l’est à bien des égards. La caméra s’agite toutefois beaucoup trop pour que l’on puisse distinguer et apprécier les affrontements. Le rythme du long-métrage ne semble guère plus maîtrisé. La faute à une mise en scène classique et monotone. Alors que les exécutions s’enchaînent, dévoilant un sous-texte de plus en plus glauque, le spectateur est progressivement plongé dans une torpeur dont il est difficile de s’échapper. À de rares moments, quelques percées lyriques et respirations musicales viennent troubler cette léthargie et offrent une profondeur dramatique surprenante.

Conformes à l’ensemble, les personnages restent fidèles aux stéréotypes du genre. Des antagonistes corrompus (Luke Evans et Alfred Molina, convaincants) aux seconds rôles balisés, le film fait rarement dans la finesse. Mais il remplit le cahier des charges avec efficacité et modestie. À l’image de son protagoniste principal. Incarné par le charismatique Chadwick Boseman – le Black Panther des studios Marvel –, Jacob s’impose comme un anti-héros dans toute sa splendeur. Filmé en plan serré, il sillonne les bas-fonds et les beaux quartiers de la ville avec une seule idée en tête : exercer son courroux. Seule sa relation avec la touchante Kelly, interprétée par l’excellente Teresa Palmer, dévoile une humanité et une douceur insoupçonnées.

Jacob King (Chadwick Boseman) va faire la rencontre de la douce et courageuse Kelly (Teresa Palmer), une mère célibataire consumée par la misère sociale. © The Jokers / Les Bookmakers
Jacob King (Chadwick Boseman) va faire la rencontre de la douce et courageuse Kelly (Teresa Palmer), une mère célibataire consumée par la misère sociale. © The Jokers / Les Bookmakers

Tourné en pellicule 35 mm, le long-métrage convainc davantage par son atmosphère poisseuse. En témoigne la photographie granuleuse de Monika Lenczewska. Sous la caméra de Welz, la cité des anges est filmée telle un enfer urbain où pullulent la misère des plus pauvres et les vices des plus puissants. En revanche, elle est aussi, selon Kelly, une ville où l’horreur côtoie l’espoir. Si la corruption et les entrelacs politiques perdurent à l’issue du récit, ils finissent par s’effacer au profit de deux destins brisés mais jamais défaitistes. Si Jacob impressionne par sa détermination, la mère de famille fait preuve d’une résilience tout aussi exemplaire.

Dans sa quête désespérée, Jacob tente de sauver un jeune garçon prisonnier et victime d’un riche libidineux. Méfiant ou inconscient, ce dernier préfère s’enfuir. Lancé à sa poursuite, le protagoniste se résigne à lâcher prise et laisse l’enfant disparaître dans la jungle urbaine. « Certaines personnes ne peuvent ni ne veulent être sauvées », lui révélait Kelly, un peu plus tôt. Jusqu’ici incapable d’accepter la perte d’un être cher, Jacob embrasse enfin l’inévitable et douloureux processus du deuil. Message from the King y dévoile alors son plus beau motif, son plus beau message. En privant le spectateur et ses personnages d’un dénouement heureux, Fabrice Du Welz parvient in extremis à élever son film jusqu’alors réduit à un spectacle cathartique.

7 commentaires sur « Message from the King, la vengeance à bout de souffle »

  1. Super cet article ! 🙂
    J’ai vraiment hâte d’aller voir ce film, la hype est (quasi) complète ! Merci de l’enrichir encore un peu. :3
    En plus il est distribué en France par The Jokers (sur Twitter : @thejokersfilms) et je n’ai jamais été déçu par les films qu’ils distribuent jusqu’ici (« Brimstone » <3, "High Rise"…) !

    Aimé par 1 personne

    1. Bonjour ! Tout d’abord, merci pour ton commentaire.
      En effet, The Jokers peuvent se targuer de distribuer des films toujours atypiques et singuliers.
      J’espère que le film te plaira dans ce cas. N’hésite pas à revenir donner ton avis ! 😉

      Aimé par 1 personne

  2. Bonjour,

    Message from the King est un très bon film de vengeance et je ne regrette pas de l’avoir vu. Le personnage joué par Chadwick Boseman a beaucoup de charisme. J’adore lire tes articles !

    Au revoir !

    Aimé par 1 personne

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