Adapté du best-seller de Chris Kraus I love Dick, la série du même nom détonne par son propos et son scénario délicieusement dingue et malsain. Les deux acteurs principaux (Kathryn Hahn et Kevin Bacon) interprètent excellemment les deux héros : Chris, réalisatrice au mariage bancal qui tombe sous le charme de Dick, artiste contemporain proclamé et cowboy charismatique et viril. Ajoutez un mari aussi fou que son épouse et vous obtiendrez des scènes de grande comédie. Décalée, féministe… I love Dick, produite par Amazon, est la série à découvrir. En France sur Amazon Prime Video à la demande.
« J’aime le fait que vous vous appeliez Dick« . Le premier échange entre Chris (Kathryn Hahn) et Dick (Kevin Bacon) est un peu laborieux. Il faut dire que l’artiste lui a fait une grande impression, au premier regard. Quand avec son mari, elle débarque dans la petite bourgade de Marfa, elle croise Dick à cheval, chapeau de cowboy vissé sur la tête, tel un archétype de la virilité. Alors, elle est fascinée et attirée. Quelques mots échangés à un apéro d’inauguration, puis lors d’un repas lui permettent de comprendre que rien ne sera possible entre elle et lui. Il n’est pas intéressé (à moins qu’il fasse semblant ?). Sans doute la trouve-t-il trop sophistiquée, hystérique ou intellectuelle.
Le lieu de l’intrigue a son importance : Marfa. Village du Texas, en plein désert, sanctuaire de l’art contemporain. Dans cet espace propice à la création, Chris va s’épanouir en tant qu’auteur et en tant que femme. Le refus de Dick sera pour elle une inspiration : elle écrit des lettres enflammées commençant toutes par « Dear Dick » et ponctuant chacun des 8 épisodes de la série. Est-il utile de préciser pour les non-anglophones, que dick, en plus d’être le diminutif de Richard, désigne vulgairement le pénis et très familièrement un connard.
Quand le mari Sylvere (Griffin Dunne) tombe sur ces lettres par erreur… il fait l’amour à sa femme, eux qui étaient dans l’abstinence depuis si longtemps… Combien de temps leur secret, inhabituel et plutôt malsain, va-t-il être gardé ? La créatrice Jill Soloway, à qui l’on doit la très appréciée Transparent, et la scénariste et auteure de théâtre, Sarah Gubbins, utilisent cette intrigue géniale pour explorer les différentes formes de sexualité, en même temps qu’un triangle amoureux aussi comique que dramatique. Kevin Bacon se distingue dans ce rôle de macho viril et désabusé, faisant semblant d’ignorer son charme et l’attrait qu’il exerce sur les autres. Charismatique, il économise ses répliques pour mieux utiliser son pouvoir d’attraction. Pour lui donner la réplique, Kathryn Hahn (déjà vu dans Captain Fantastic et Broadway Therapy) crève l’écran. Les deux acteurs, loin de s’annuler, se complètent à merveille, particulièrement lorsqu’ils se donnent la réplique.
Habile dans sa mise en scène, I love Dick s’aventure dans des mises en scène audacieuses en témoigne l’épisode 5 où les femmes de la série témoignent face caméra s’adressant à Dick. Elles y abordent leur féminité, leur sexualité et leur rapport à cet homme. « Je me fiche si tu me désires. Je ne préfère pas », confesse Chris face caméra, devant un paysage aride, à l’attention de Dick, où plutôt du spectateur. Elle poursuit : « Il suffit que je te désire. Parfois, quand je marche dans la rue, je regarde les visages des passantes et me demande ce qu’elles voient. Quelle est l’histoire de leur désir. » S’affranchissant de certains tabous encore tenaces comme le plaisir féminin, I love Dick gagne en hauteur et en liberté.