Depuis quelques mois, les surprises au cinéma se font rares… Si bien qu’un film d’épouvante et une comédie française, deux genres qu’on n’attendait pas forcément, se sont finalement imposés dans la revue de ce mois de juin. Quelles ont été les autres réussites et les grandes déceptions du mois ? Bilan à quatre mains.
Notre top 3 |
1 – It Comes at Night de Trey Edward Shults
Dans un monde frappée par une mystérieuse épidémie, une famille survit recluse, derrière les murs d’une bâtisse familiale, au milieu de la forêt. Une nuit, Travis (Kelvin Harrison Jr.), le fils, surprend un intrus à l’entrée de la demeure. Fait prisonnier, l’individu avoue rechercher de la nourriture et un abri pour sa propre famille. Malgré les réticences du père, Paul (Joel Edgerton), ce deuxième groupe finit par s’installer dans la maison… Tout en suggestion, cet excellent film évolue entre le huis-clos anxiogène et la tragédie familiale. Pour son deuxième long-métrage, Trey Edward Schults (Krisha) brille par l’épure de sa mise en scène, traversée par de véritables visions d’angoisse, et une indéniable maîtrise de la tension. Si la forme est minimaliste, le fond s’impose par une vision nihiliste et pessimiste de l’humanité. Entre paranoïa et désespoir, les malheureux héros d’It Comes at Night ne feront que précipiter, malgré eux, les événements d’un funeste dénouement. Une grande réussite.
2 – Cherchez la femme de Sou Abadi
Bien loin des clichés attendus et redoutés, Cherchez la femme se distingue par sa force comique et un propos adroit et intelligent. Le scénario inquiétait un peu : une jeune diplômée (Camélia Jordana) se retourne enfermée chez elle, par son frère devenu intégriste après un séjour au Yémen (William Legbhil). Pour continuer à la voir, son petit ami (Félix Moati) se déguise en femme musulmane, arborant le voile intégral. Un jeu de quiproquo s’installe alors entre les trois protagonistes. Sou Abadi, jeune réalisatrice iranienne, prend des risques avec ce film aux aspects polémiques. Ici, il est bien sûr question de politique – les parents de Félix sont des opposants au régime de Khomeini qu’ils ont dû quitter étant jeunes, le port du voile est sujet à débat, initiant de vives discussions dans le bus ou suscitant des regards effrayés ou réprobateurs -, mais le film est surtout une comédie de travestissement dominé par un ton burlesque irrésistible. La comédie n’est jamais simpliste, ni moralisatrice. Chapeau bas.
3 – Visages villages de Agnès Varda et JR
Peu après leur rencontre en 2015, la réalisatrice Agnès Varda et l’artiste et globe-trotteur JR ont sillonné les campagnes françaises, à bord d’une camionnette-photomaton. Durant ce malicieux « road trip », cette équipe improbable, que plus de cinquante ans séparent, ont mis en image leurs rencontres avec des ouvriers, des agriculteurs… Des personnes touchantes dont on entend très peu les voix et dont les portraits monumentaux – selon la méthode de JR – pareront plus tard les façades des bâtiments des villes et des campagnes traversées. Mais Visages Villages se révèle être plus qu’un simple documentaire, c’est une belle œuvre sur l’amitié entre deux êtres, deux sensibilités. Un récit à deux voix où l’introspection se mêle au partage et au don de soi. Parmi les moments les plus précieux, les scènes où Agnès Varda filme son compère…flou, exactement à l’image de sa vue déclinante ou lorsqu’elle se confie sur la mort de son ami Jacques Rivette, disparu en janvier 2016.
En bonus : Le Grand Méchant Renard et autres contes, de Benjamin Renner et Patrick Imbert
C’est la belle surprise du mois, qui méritait bien une petite place aménagée dans le classement. L’auteur de bande dessinée Benjamin Renner adapte son album « Le Grand Méchant Renard » au cinéma dans un film d’animation drôle et poétique, adapté aux tous petits, mais recommandé pour tous les âges. Trois contes se succèdent, interprétés par une joyeuse bande d’animaux de la ferme, hauts en couleur. Les dialogues sont savoureux, surtout sortis de la bouche de ces petites bêtes aux yeux ronds, irrésistibles. Les sketchs s’accumulent et le rire est au rendez-vous. Adorable et délicat, Le Grand Méchant Renard mérite le coup d’œil.

Notre flop 3 |
1- Transformers : The Last Knight de Michael Bay
Dans un monde où les hommes font la guerre aux robots, de nouvelles menaces extra-terrestres mettent en péril l’humanité. Fort heureusement pour elle – et malheureusement pour nous spectateurs –, les Transformers sont de nouveau prêts à en découdre avec l’ennemi… bientôt rejoints par Cade (Mark Walhberg), héros du précédent film. Conscient du succès commercial et de la vacuité artistique de sa saga, Michael Bay embrasse sans complexe les scènes de destructions massives et les frénésies pyrotechniques, magnifiées par ses caméras IMAX 3D. Pour ce qui est du « fond », Transformers : The Last Knight réécrit ni plus ni moins la légende des chevaliers de la Table Ronde, décidément en vogue au cinéma. Intimement liée aux destins des robots, cette relecture grotesque de l’Histoire tente d’apporter l’illusion d’une profondeur à un récit et à des personnages, qui n’en ont guère besoin. Le véritable intérêt d’un Transformers réside dans sa forme. Et sans grande surprise, cette dernière est aussi foutraque que grossière. Un pur blockbuster abrutissant qu’on adore (détester).
2 – Free Fire de Ben Wheatley
Le joli plantage du mois nous vient du Royaume-Uni. Le réalisateur Ben Wheatley n’est jamais à court de bonnes idées (il avait adapté en 2015 le thriller de science-fiction High-Rise), mais a décidément du mal à tenir sur la longueur. Le point positif de Free Fire est son casting trois étoiles : Brie Larson, Cillian Murphy, Sam Riley, Amie Hammer… Ils interprètent tous différents malfrats, retrouvés dans un entrepôt pour une vente d’armes clandestine. Évidemment, rien ne se passera comme prévu et les balles vont fuser de tous les côtés, basculant le film dans un joyeux bordel un peu grotesque. Entre film d’action et comédie absurde, Free Fire prend des allures de jeux vidéo type Counter-Strike en huis clos, extrêmement répétitif. Un jeu de massacre à mourir d’ennui.
3 – The Last Girl – Celle qui a tous les dons de Colm McCarthy
Dans un monde frappé par un virus pathogène transformant les hommes en cannibales, des enfants ont contaminés ont conservé leur humanité. Détenus dans une base militaire, ils sont sujets à des expériences scientifiques menées par la Dr. Caroline Caldwell (Glenn Close). Parmi eux, la jeune Mélanie (Sennia Nanua) présente des aptitudes intellectuelles et émotionnelles supérieures à la normale. Lorsque la base est attaquée, un petit groupe de survivants vont devoir prendre la fuite avec l’enfant… Sous ses airs d’énième relecture du film de zombies, The Last Girl semble d’abord vouloir s’éloigner des codes narratifs et visuels du genre. En témoigne un prologue qui fait la part belle aux émotions du personnage principal, incarné par une prometteuse actrice. Bien que porté par des thématiques fortes et des enjeux complexes, le long-métrage de Colm McCarthy sombre malheureusement dans une progression convenue et souffre de personnages adultes effacés. Le résultat s’avère, au mieux, divertissant.
Les autres sorties du mois |
Le Jour d’après de Hong Sangsoo
À Séoul, Bongwan (Kwon Haehyo Kwon), un éditeur d’une cinquantaine d’années, fait face aux questions incessantes de sa femme. Cette dernière est persuadée que son époux est infidèle. Lui, se contentera d’un silence lourd de sens. Resurgissent alors dans l’esprit de l’homme, les souvenirs de son ancienne relation avec sa maîtresse. Au même moment, une jeune écrivaine se présente à Bongwan et devient sa nouvelle employée… Fort de sa carrière foisonnante, Hong Sangsoo n’en finit plus de conter les triangles amoureux et les errances amoureuses douces-amères. Moins d’un an après la sortie de son précédent long-métrage, Yourself and Yours, le réalisateur sud-coréen dresse le portrait d’un homme aussi sensible que fautif. Pour ce faire, il choisit de conter ce « jour d’après » en noir et blanc comme pour mieux troubler les repères chronologiques du spectateur. Le cinéaste y retrouve alors ses motifs habituels (l’infidélité, la jalousie, les réflexions métaphysiques…) et sublime son langage cinématographique dans une œuvre aussi belle que violente.
Wonder Woman de Patty Jenkins
Aussi ancienne et populaire que ses homologues masculins, la super-héroïne au lasso de vérité n’avait jamais eu la chance de défendre son univers sur grand écran. C’est désormais chose faite grâce aux studios DC Comics et la réalisatrice Patty Jenkins (Monster). Oublié l’esprit kitsch de la série-télévisée des années 1970, consacrant Lynda Carter dans le rôle titre, le nouvelle Wonder Woman est une redoutable guerrière prête à en découdre avec Arès, le dieu de la guerre. Fidèle aux codes de l’origin story, le long-métrage prend le temps d’explorer les origines mythologiques de son héroïne avant de nous plonger dans l’esthétique plus sombre de la Première Guerre mondiale. Tour à tour amusant, spectaculaire et féministe, ce premier volet n’est jamais dénué de charme (désuet) et révèle surtout une Gal Gadot, parfaite pour ce rôle. Une réussite inespérée au regard des semi-échecs de Suicide Squad ou Batman vs Superman.
Ce qui nous lie de Cédric Klapisch
Après dix ans d’absence, Jean (Pio Marmaï) rentre dans son village natal de Bourgogne. Apprenant que son père est gravement malade, le jeune trentenaire retrouve l’exploitation viticole familiale, reprise par sa sœur et son frère. Très vite, les tensions et les rancœurs resurgissent au sein de la fratrie…Pour son nouveau long-métrage, Cédric Klapisch dresse un portrait tendre sur la cellule familiale, ce thème si précieux. Et créé la surprise en troquant ses ancrages citadins pour une histoire « au vert » mais aussi un milieu jusqu’ici inédit dans son cinéma : l’univers du vignoble. Entre héritage et lignage, terroir et désir d’ailleurs, racines et liberté, Ce qui nous lie ne manque pas de bons sentiments, certes faciles mais souvent sincères. Si bien que l’on se prend d’affection pour ce jeune trio attachant, interprété par des acteurs convaincants, et dont les trajectoires ne manqueront pas de faire écho à notre propre vécu.
Creepy de Kiyoshi Kurosawa
Après un épisode traumatisant, l’inspecteur Takakura (Hidetoshi Nishihima) emménage, avec son épouse, dans un quartier résidentiel de Tokyo. Le couple se heurte bientôt au comportement étrange du voisin Nishino (Teruyuki Kagawa). Mais il est alors loin d’imaginer l’horrible vérité que dissimule la demeure de cet homme tantôt distant, tantôt entreprenant. Quelques mois après le Secret de la chambre noire, Kiyoshi Kurosawa renoue avec le thriller horrifique et mélodramatique dont lui seul a le secret. Profondément noire, son œuvre multiplie les fausses-pistes et distille savamment l’angoisse et le malaise chez le spectateur. Sous la caméra de Kurosawa, le manichéisme et l’empathie s’effacent au profit d’un discours résolument pessimiste : dans l’horreur, chaque personnage a sa propre part de responsabilité. Riche de ce trouble moral et de son univers cauchemardesque, Creepy peut se targuer de faire plus qu’ honneur à son titre. Fascinant.
Songs for Madagascar de Cesar Paes
Depuis 2008, Dama Mahaleo, Erick Manana, Jajoby, Justin Vali, Olombelo Ricky et Régis Gizavo composent le collectif Madagascar All Stars. Ces six musiciens aux univers différents se font les portes-paroles de la culture malgache et des enjeux environnementaux d’un pays touché par la mondialisation et la misère sociale. En toute intimé et sans impudeur, César Paes immortalise leur rencontre et leurs nombreux voyages dans les campagnes malgaches. Le réalisateur brésilien donne à voir une culture peu connue et passionnante. Malheureusement, Songs for Madagascar se débarrasse promptement d’éléments de contextualisation et finit par troubler par son caractère allusif. Si bien que l’on peine à saisir les subtilités d’une musique, érigée ici comme un élément d’unité. Fort heureusement, le documentaire parvient à raviver l’attention des spectateurs en privilégiant des moments précieux de partages (musicaux). Une œuvre attachante bien que très classique dans la forme.
Grand Froid de Gérard Pautonnier
Dans une ville recouverte par la neige, une entreprise de pompes funèbres est au bord de la faillite quand le patron Edmond Zweck (Olivier Gourmet) se voit confier les obsèques inespérées d’un nouveau client. Mais très vite, les choses prennent une tournure catastrophique pour Eddy (Arthur Dupont) et Georges (Jean-Pierre Bacri), les deux employés chargés de conduire le corps jusqu’à un cimetière lointain. Pour son premier long-métrage, Gérard Pautonnier conjugue brillamment le sordide à l’humour (noir). De ses décors immaculés dignes d’un western glaciaire à ses personnages caustiques, Grand Froid jouit de ressorts comiques souvent funèbres et grinçants. Porté par un excellent trio d’acteurs, le film séduit aussi bien par sa narration faussement léthargique que par son discours tantôt désabusé (défendu par l’acariâtre Georges) tantôt naïf (porté par le jeune Eddy). Dommage qu’une conclusion abrupte et amère vienne troubler la séduisante dynamique de cette comédie noire. Mais l’ensemble s’avère suffisamment plaisant pour faire de ce grand froid, une bouffée d’air frais dans le paysage des comédies françaises.
A l’image du dernier Desplechin, le dernier Hong Sang-soo divise. Il n’est pas le plus simple à saisir derrière son noir et blanc. Je prépare une chronique sur ce Jour d’après qui m’a paru intéressant par… sa mise en scène !
Et retour gagnant de Kurosawa au thriller horrifique avec une belle démonstration de mise en scène plein-champ, une technique devenue rare dans le genre précité.
Grand froid a le mérite de nous rafraîchir sous la chaleur actuelle mais le retournement final est discutable. Le trio d’acteur principal est bon (Gourmet, Bacri et Dupont) mais je leur préfère Sam Karmann dans le rôle du prêtre. Comédie tout public réussie mais sans message porté, ce film ne sera pas chroniqué.
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Merci pour ton commentaire !
En effet, quelle agréable surprise de voir un nouvel excellent film de Kurosawa.
Tout comme toi, la conclusion de « Grand Froid » m’a semblé contre-productive voire incompréhensible au vu de ce que le film avait auparavant construit.
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Je n’ai pas vu Cherchez la femme mais finalement les critiques sont plutôt bonnes ! Comme quoi clasher un film sur un speech et son affiche, c’est très con !
Et ravie de voir It comes at night n°1 !! 😀
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Oui, « Cherchez la femme » est une très bonne surprise ! 🙂
Et la première place d’ « it Comes At Night » est amplement méritée.
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je te rejoins pour Gal Gadot et wonder woman qui est une jolie suprise ! J’aime bien Klapisch aussi même si son dernier film à divisé la critique. Je serais tenté aussi par le « grand froid » avec l’immense Jean Pierre Bacri (jamais meilleur que dans ces rôles là). Un plaisir de retrouver ce bilan du mois de juin. Excellent weekend à toi Simon ! 🙂 🙂
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Merci beaucoup Frédéric !
Je ne peux te conseiller « Grand Froid », vraiment plaisant à regarder. J’espère qu’il te plaira. 🙂
Très bon week-end à toi.
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