Split de M. Night Shyamalan

Après avoir créé la surprise en 2015 avec The Visit, M. Night Shyamalan embrasse à nouveau les codes du thriller avec Split dans lequel trois adolescentes se retrouvent captives d’un homme dérangé. Toujours aussi malicieux et retors, le réalisateur de Sixième Sens et d’Incassable déjoue une nouvelle fois les attentes du spectateur et signe une œuvre ludique et angoissante. En salles depuis le 22 février.

Les échecs artistiques et commerciaux du Dernier Maître de l’Air et d’After Earth semblaient désagréger un peu plus la carrière de Shyamalan. Révélé en 1999 avec Sixième Sens, le wonderboy déchu peinait à retrouver les hauteurs de ses premiers éclats. Si The Visit nous rappelait ses talents de conteur, Split pourrait bien être le film de la rédemption. Conçu à l’économie (budget serré, temps limité), le long-métrage suit le menaçant Kevin (James McAvoy), atteint de troubles de la personnalité multiple. Son esprit est morcelé en vingt-trois identités distinctes, dont certaines mal intentionnées. Chacune a conscience de l’existence des autres et présente des caractéristiques physiques uniques. Un jour, l’une d’entre elles le pousse à kidnapper trois adolescentes. Enfermées dans une pièce au sous-sol, les filles ignorent le sort qui leur sera réservé (le spectateur aussi). Mais lorsqu’il réapparaît, Kevin porte un pull rouge et une longue jupe noir. Il dit s’appeler Patricia. Plus tard, ce seront Dennis, Hedwig, Barry qui se succéderont… Dérangé, l’homme va progressivement révéler l’existence d’une vingt-quatrième personnalité, plus dangereuse que toutes les autres : la Bête.

Face aux différentes personnalités dérangées de Kévin (James McAvoy), la jeune Casey (Anya Taylor-Joy) va devoir redoubler d'effort et de stratagème pour survivre. © Universal Pictures International France
Face aux différentes personnalités dérangées de Kevin (James McAvoy), la jeune Casey (Anya Taylor-Joy) va devoir redoubler d’effort et de stratagème pour survivre. © Universal Pictures International France

Avec ce film-cerveau, Shyamalan n’a pas peur de déplaire. Le réalisateur confine une grande partie de son histoire dans un capharnaüm de couloirs souterrains où sont retenues Casey (Anya Taylor-Joy) et ses deux camarades. Si les quelques scènes en extérieur (les entrevues entre Kévin et le Dr Fletcher, interprétée par Betty Buckley) brisent parfois l’intensité des événements, l’exigence formelle du cinéaste est au rendez-vous. Inégal dans sa progression, son long-métrage n’en reste pas moins une complexe construction mentale, truffée de mystères et de révélations. Inspiré par Hitchcok, Shyamalan s’amuse avec notre maîtrise des codes du thriller à huis-clos et s’autorise à des retournements de situation déconcertants. Jusqu’à offrir une conclusion abrupte que personne ne verra venir – comme bien souvent dans ses récits. Le réalisateur met une nouvelle fois la croyance active du spectateur au cœur de son œuvre (la Bête est-elle réelle ?). Et démontre que son pouvoir de suggestion est resté intact. L’une des grandes forces du film réside d’ailleurs dans l’alternance des points de vue. Dans ce labyrinthe échevelé, le spectateur se confronte à la fois au diagnostic médical (Dr Fletcher), au traumatisme de l’enlèvement (Casey) et à l’obsession d’une métamorphose (Kévin et ses vingt-trois entités).

Si le résultat n’atteint pas l’envergure ni la verve des premières œuvres de Shyamalan, il se montre suffisamment jouisseur et farceur pour convaincre. Entre le film d’angoisse et la farce bouffonne, le film a pleinement conscience de son absurdité et bascule parfois dans la comédie au moment le moins opportun. Split n’est pas pour autant l’œuvre d’un homme cynique. Loin de là. Une fois de plus, le cinéaste témoigne de sa fascination pour les monstres (au sens clinique du terme). Derrière ses attirails de série B, le film décrit l’affrontement tragique entre deux personnes mutilées par la vie : Kévin et Casey. Face au frénétique James McAvoy, la jeune Anya Taylor-Joy (découverte l’année dernière dans The Witch) séduit avec un rôle tout en subtilité, douceur et pure intériorisation. Remarquablement mises en scène, les premières minutes donnent à voir une jeune fille solitaire et mutine, attendant désespérément d’être arrachée à son existence. L’impuissance avec laquelle elle assiste à son propre kidnapping, trahit même une forme de soulagement. De délivrance. Dans un face-à-face final, elle va confronter son bourreau à sa propre image d’enfant martyr. »Ceux qui ont été blessés sont les plus évolués« , finira par confier ce dernier à sa victime. La psychose occulte incarnée par le psychopathe s’efface alors peu à peu au profit d’une puissance émotionnelle étonnante.

Dans "Split", M. Night Shyamalan décrit la montée en puissance d'une métamorphose, entre schizophrénie et occultisme. © Universal Pictures International France
Dans « Split », M. Night Shyamalan décrit la montée en puissance d’une métamorphose, entre schizophrénie et occultisme. © Universal Pictures International France

20 commentaires sur « Split de M. Night Shyamalan »

  1. Pas aussi emballée que toi … Autant j’admire la performance de McAvoy et de de Taylor- Joy, autant j’ai trouvé ça un poil facile ( les deux autres filles disparaissent aussi vites qu’elles arrivent à l’écran ). J’ai pas franchement ressenti de tension ( j’avais finalement pas mal d’empathie pour le perso de Kevin ) et la fin est tellement expédiée que ça me laisse franchement perplexe. C’est pas mauvais, c’était même pas mal, mais beaucoup trop facile à certains moments pour être inoubliable ..

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    1. Je comprends tes réserves. Le film est perfectible et la structure « scènes en sous-sol/séances avec la psy/flashbacks » est assez redondante et met à mal la tension du film. Ce qui m’a particulièrement emballé, c’est l’introduction du film que je trouve presque parfaite.
      Quelque part, on s’attend à ce que les personnages secondaires disparaissent vite. Je n’ai pas été étonné par le sort qui leur a été réservé. La mise en scène dans la voiture détermine la relation spéciale qu’entretiendront Kévin et Casey, un peu au détriment des deux jeunes filles assises sur le siège arrière et délaissées par la caméra. J’ai personnellement trouvé ça intelligent et révélateur.
      Pour ce qui est de la fin, si j’ai apprécié le face-à-face entre Kévin et l’adolescente, le twist ne m’a pas pleinement convaincu ni emballé (même si je ne m’y attendais pas). J’ai surtout apprécié sa symbolique (même si facile parfois comme tu le dis).
      Bonne soirée ! 😉

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  2. Je verrai ce film en souvenir d’un bouquin lu à l’adolescence intitulé « Sybille », une sorte de roman sur une personnalité multiple, sûrement un navet, mais marquant. Le dernier Shyalaman que j’ai vu, la fille de l’eau, était plus que raté, mais 6e sens ou le village rattrapent le tout. Merci.

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  3. Je compte aller le voir ! tu donnes envie de découvrir ce film et puis il y a longtemps que je ne suis pas allé voir un Shyamalan au ciné. L’histoire, la bande annonce, on en reparlera c’est sûr. Merci du partage Simon ! bon après midi à toi 🙂 🙂

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  4. J’ai l’impression d’avoir été la seule choquée par le fait que les deux copines figurantes s’assoient ensemble à l’arrière du véhicule et laisse Casey passer à l’avant, alors que la voiture est conduite par LE PERE DE LA BLONDE… Quelle adolescente laisse monter ses potes sur le siège passager, en compagnie de son géniteur, sérieusement ? C’est pas un aberrant de faire ça ?

    Sinon, le film est pas mal. Pas transcendant (encore une fois, bande-annonce survendue)(et encore une fois, je suis victime de mon côté bon public) mais pas mal. C’est toujours marrant de voir Charles-Xavier jouer autre chose qu’un handicapé moteur, après tout 🙂

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    1. Tu n’es pas la première personne à souligner ce détail. Mais pour tout t’avouer, dans de telles situations (la voiture avec mes amis et ma famille, pas le kidnapping), j’ai toujours la place du passager aux amis. Comme une manière de dire « honneur à l’invité(e) »… Même s’il s’agit de la place du mort. 😀

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  5. « J’ai l’impression d’avoir été la seule choquée par le fait que les deux copines figurantes s’assoient ensemble à l’arrière du véhicule et laisse Casey passer à l’avant, alors que la voiture est conduite par LE PERE DE LA BLONDE… Quelle adolescente laisse monter ses potes sur le siège passager, en compagnie de son géniteur, sérieusement ? C’est pas un aberrant de faire ça ? » : euuuuh je vois pas ce qui est choquant là-dedans…

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  6. Pour ma part, j’ai énormément aimé ce film et je rejoins totalement cette chronique. Décidément, depuis The Visit, Shyamalan s’est repris en main pour notre plus grand bonheur ! Le film est vraiment oppressant, pourtant il ne montre pas grand chose quand on y pense : il joue justement avec les prérequis du spectateur. James McAvoy est tout simplement magistral et la jeune Anya Taylor-Joy est également impeccable !

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  7. Étrange film…. Plus l’apparition de Bruce Willis à la fin du film (Tout en tenant compte que Shyamalan a réalisé Split et Incassable).

    Je ne puis définir mon ressenti mais j’ai l’impression que Split véhicule plusieurs messages.

    Possible que mon imagination me joue des tours…

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